Photos de Clovis Trouille
Paris, 21 Juillet 1964
Cher et Honoré Lo Duca
Je vous remercie de vos cinq belles et poétiques cartes d’Arnold Böcklin, notamment » l’Île des Morts » qui est une version nocturne que je ne connaissais pas. Magnifique ! Il s’est surpassé. Je vous joins 2 photos de mes toiles qui sont Pop-art, bien avant que l’on en parle.
L’une » La morte en beauté » est un hommage mystique à Marilyn Monroe.
Formule dont écrivait génialement Delacroix, qui sentait la faiblesse du dessin de chic, du surréel, de ce qui n’était pas la nature. » Il bousillait « , disait Ingres.
Delacroix écrivit : » Qu’un homme de génie, se serve du daguerréotype, comme il faut, il s’élèvera à une hauteur que nous ignorons.
Aragon fut hué, il y a 35 ans à une conférence pour peintre sur ce sujet, alors que j’applaudissais. Cela m’explique bien des choses, surtout l’art abstrait facile.
Je vous souhaite de bonnes manifestations livresques comme par le passé et vous prie de me croire amicalement à vous.
Clovis Trouille
- Théophile GAUTIER (1811-1872)
Le spectre de la rose
Soulève ta paupière close
Qu’effleure un songe virginal ;
Je suis le spectre d’une rose
Que tu portais hier au bal.
Tu me pris encore emperlée
Des pleurs d’argent de l’arrosoir,
Et parmi la fête étoilée
Tu me promenas tout le soir.
Ô toi qui de ma mort fus cause,
Sans que tu puisses le chasser
Toute la nuit mon spectre rose
A ton chevet viendra danser.
Mais ne crains rien, je ne réclame
Ni messe, ni De Profundis ;
Ce léger parfum est mon âme
Et j’arrive du paradis.
Mon destin fut digne d’envie :
Pour avoir un trépas si beau,
Plus d’un aurait donné sa vie,
Car j’ai ta gorge pour tombeau,
Et sur l’albâtre où je repose
Un poète avec un baiser
Ecrivit : Ci-gît une rose
Que tous les rois vont jalouser